LE BEFFROI DE TOURNAI.

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INDEX.

1.   L’origine étymologique du mot beffroi. 

2.   La zone d’extension des beffrois.  

3.   Le beffroi est-il un symbole des libertés communales?  

4.   L’acte de naissance du beffroi: la charte de Philippe Auguste de 1188.  

5.   Les étapes de la construction du beffroi.  

6.   Les fonctions du beffroi dans le passé.  

7.   Le rôle des cloches.  

8.   Les éléments décoratifs du beffroi.

 

 

LE BEFFROI DE TOURNAI.

L’ORIGINE ETYMOLOGIQUE DU MOT BEFFROI.

Le mot beffroi apparaît au XIIème siècle sous la forme berfroi. Cette graphie change au XIIIème siècle pour devenir beffroi. Le mot est issu du moyen haut allemand bercvrit qui signifie « ce qui garde la paix, la sécurité ».

 

LA ZONE D’EXTENSION DES BEFFROIS.  

Si la majorité des beffrois se trouve en Flandres, en Artois et en Hainaut, il en existe également dans d’autres régions de France. De plus, dans le nord de l’Italie ont été construites des tours équivalant à des beffrois.  

Les beffrois sont élevés au Moyen Age dans des villes importantes sur les plans démographique, économique et stratégique, villes qui se sont affranchies de l’autorité seigneuriale. Ces tours civiles sont érigées sur la place du marché, un lieu important sur le plan économique qui permet aussi les rassemblements. 

LE BEFFROI EST-IL UN SYMBOLE DES LIBERTES COMMUNALES?

Si le beffroi a valeur de symbole, ce n’est pas des libertés communales, mais plutôt de l’autonomie de la commune. De plus, il  n’est pas seulement un symbole: il s’agit avant tout d’un édifice utilitaire.  

La notion de symbole des libertés communales est une création du XIXème siècle romantique qui  a recréé un Moyen Age idéalisé et vu dans les beffrois un symbole de la démocratie des villes marchandes qui s’opposent au pouvoir seigneurial et royal.  

Lors de tous les mouvements de révolte dans le passé, le beffroi a été investi par la foule. Le 03 septembre 1944 encore, des résistants ont arboré le drapeau national sur le beffroi de Tournai annonçant ainsi la libération de la ville.  

Actuellement, les beffrois participent de l’identité régionale et deviennent le support des festivités urbaines.  

Les Tournaisiens ont toujours marqué un grand intérêt pour leur monument qui successivement en1936 puis 1993 a été classé au patrimoine historique belge. Enfin, en 1999, le beffroi de Tournai a été inscrit sur les listes du « patrimoine mondial de l’UNESCO », ce qui a favorisé sa mise en valeur touristique. D’autres tours d’époques diverses dénommées abusivement beffrois ont elles aussi bénéficié de ce classement. Il faut donc avouer que l’UNESCO ne s’est pas toujours fondé sur les seuls critères scientifiques pour établir son classement et que le poids politique de certaines villes a aussi joué un rôle.  

Le beffroi, la halle des doyens des métiers, la halle des consaux et la tour des six  

L’ACTE DE NAISSANCE DU BEFFROI : LA CHARTE DE PHILIPPE AUGUSTE DE 1188.

 

Pour diminuer la puissance des seigneurs féodaux, le roi de France Philippe Auguste se fait protecteur des bourgeois et  favorise le développement des libertés dans les villes en leur accordant des franchises politiques.  

Tournai occupe une position géostratégique capitale : c’est un nœud routier fort utile en cas de conflit et une clef de l’Escaut, puisque la ville est construite sur un fleuve qui sert de frontière naturelle entre le comté de Flandre  (rive gauche) et le Saint Empire (rive droite). La ville constitue donc une enclave dans le comté de Flandre. De plus, Tournai est le siège d’un évêché et l’évêque peut lancer un ordre d’excommunication capable de paralyser un vassal rebelle.  

Or, Philippe Auguste rêve de soumettre la Flandre. Aussi veut-il faire de Tournai un allié fidèle de la France. 

En 1188, il fait donc de la ville une vassale directe de la couronne en lui accordant une charte par laquelle il accorde aux Tournaisiens les droits de juridiction civile, de tonlieu, de justice, de cloche.   

 

 Il semble que la charte de Philippe Auguste n’ait en réalité fait qu’entériner des droits que les Tournaisiens s’étaient octroyés peu à peu aux dépens de l’évêque qui depuis la fin du IXème siècle détenait le pouvoir temporel sur la ville.

 

EXTRAIT DE LA CHARTE DE PHILIPPE AUGUSTE.

La charte de Philippe Auguste constitue un véritable code civil et pénal.

“En la commune de Tournai doivent être XXX jurés, parmi lesquels deux seront prévôts, et quand l’un des deux ou plusieurs d’eux trente mourront dans la même paroisse où celui-ci sera mort, un autre capable (de remplir cette charge) sera choisi par les électeurs. Et chaque année, à la fête de Sainte-Luce seront élus de nouveaux eswardeurs , de nouveaux prévôts, de nouveaux jurés et de nouveaux échevins ... Et toutes les fois que nous enverrons en notre service (militaire) des hommes armés de nos communes, les hommes de Tournai enverront à notre service trois cents hommes de pied bien armés, s’ils en sont requis de notre commandement ou de celui de nos successeurs rois de France. Et en outre nous avons octroyé aux habitants de Tournai qu’ils aient une cloche en un endroit adéquat dans la cité, pour la faire sonner selon leur décision ...”  

LES ETAPES DE LA CONSTRUCTION DU BEFFROI.  

De tous les beffrois de Belgique, celui de Tournai est le plus ancien conservé.

Le début de la construction se situe entre 1189 et 1245. Il s’agit d’abriter la cloche civile que la charte de Philippe Auguste a accordée aux Tournaisiens.

Au départ, le beffroi est une simple tour carrée probablement ouverte à sa base et terminée par une terrasse crénelée. Aucune illustration de cette tour initiale ne nous est parvenue.

Dès 1294, le bâtiment est renforcé par quatre tourelles d’angle. Il est en outre rehaussé suite à l’extension de la ville qui entraîne la construction d’une troisième enceinte et à l’érection du chœur de la cathédrale dont la hauteur obstrue la vue. Or, le beffroi sert de tour de guet. Il doit donc s’élever davantage pour continuer à dominer le paysage. 

Suite à un incendie survenu le 13 février 1391, il est reconstruit et les travaux sont achevés en 1397.

Il sera encore restauré au XIXème siècle, puis de 1992 à 2002.  

 

Le projet de restauration du beffroi conçu au XIXème siècle par l’architecte Bruno RENARD.  

 

LES FONCTIONS DU BEFFROI DANS LE PASSE.

1.    Le beffroi sert de tour de guet pour avertir les habitants du début d’un incendie. En effet, les incendies sont nombreux et ravageurs au Moyen Age: si à Tournai, certaines maisons étaient construites en pierre, la plupart étaient en bois, étaient couvertes de chaume et avaient des cheminées en bois.  

Groupe de deux maisons romanes à Tournai

De plus, les boutiques installées sur les ponts facilitent la propagation du feu d’une rive à l’autre du fleuve.

Pour éviter les incendies la commune ira jusqu’à proposer des primes aux propriétaires qui acceptent de remplacer le chaume des toits par des tuiles moins susceptibles de prendre feu.

 

Le beffroi permet aussi de guetter l’arrivée de l’ennemi. Pendant la guerre 1914-1918, le beffroi sera encore utilisé comme tour d’observation par les Allemands.

2.   Le beffroi joue un rôle judiciaire au même titre que certaines tours de l’enceinte communale: un cachot accueille les suspects dans l’attente d’un jugement qui sera rendu rapidement.

Le cachot du beffroi n’est donc nullement une prison, car la justice médiévale ignore l’enfermement comme peine.

3.   Le beffroi est également un moyen de communication de masse : les cloches du beffroi rythment la vie économique et sociale de la cité. A ce titre, le beffroi représente la domination de la classe des marchands sur celle des artisans. Les marchands sont propriétaires des marchandises alors que les artisans ne possèdent que leur outil de travail

   

LE RÔLE DES CLOCHES.

Le droit de cloche accordé aux Tournaisiens par le roi de France est capital. En effet, au départ, les cloches sont un outil ecclésiastique qui règle les heures de la vie chrétienne. L’Eglise a le monopole du temps. Les cloches civiles vont symboliser l’autonomie des bourgeois.  

Même à l'époque contemporaine, les cloches gardent leur importance: pendant la guerre 1914-1918, les Allemands ont essayé en vain d'obtenir les cloches du beffroi, puis ils en ont interdit l'utilisation.    

Au Moyen Age, les cloches du beffroi vont signaler  

1.   le début et la fin du temps réservé au travail. Pratiquement pendant tout l’ancien régime on ne travaille pas à la lumière artificielle;

2.   l’ouverture et la fermeture des marchés ou des portes de la ville;  

3.   l’appel à un rassemblement sur la place pour entendre une communication ou faire face à un danger;  

4.   un début d’incendie.  

5.   Les cloches sont aussi associées à la justice : elles sonnent quand le tribunal se réunit ou fait exécuter une sentence.    

Le langage des cloches est compris de tous.  

Pour indiquer l’heure, un cadran sera fixé au beffroi à une date non connue.  

Un carillon sera installé dans le beffroi au XVIème siècle au moment où le beffroi perdra son rôle de représentant du pouvoir communal autonome. Le carillon a un rôle purement festif.  

 

LES ELEMENTS DECORATIFS DU BEFFROI.

Comme à ses origines, le beffroi porte actuellement à son sommet une girouette en forme de dragon. Le choix de ce symbole est significatif puisque, au Moyen Age, le dragon  était considéré comme un animal protecteur toujours en éveil.

 

Toutefois, en 1782, suite à une visite officielle du futur Joseph II d’Autriche, une aigle impériale surmontant un globe terrestre remplace le dragon.

 En 1792, les troupes révolutionnaires françaises enlèvent l’aigle et la remplacent par un bonnet phrygien, symbole de la liberté.

 En 1793, les Autrichiens ayant repris possession  de la ville, le bonnet phrygien, symbole trop parlant, fait place à une anodine bannière triangulaire qui restera en place jusqu’en 1883.

D’autres girouettes ornent le beffroi : quatre sirènes sonnant de la trompette...  

  ... et des bannières décorées des armes de Tournai: une tour, allusion à l’origine du nom Tournai, surmontée de trois fleurs de lys, symboles de la fidélité de la ville à la couronne de France.  

Quant aux toits des tourelles d’angle du premier étage, ils sont surmontés de quatre statues qui seront à plusieurs reprises remplacées. Le premier remplacement se situe entre 1443 et 1460. Ces statues du XVème siècle sont elles mêmes remplacées dès la deuxième moitié du XIXème siècle puis en 1948. 

Depuis le XIXème siècle, ces statues surnommées les hurlus représentent les quatre serments chargés de défendre la ville: le joueur à glaive, le canonnier, l’archer et l’arbalétrier. 

 

Les hurlus

 

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