Naissance d'une ville

Vers 50 après Jésus-Christ, les Romains s’installent sur le site de ce qui deviendra la ville de Tournai. Ce choix n’est nullement lié au hasard.

En effet, le site dispose d’une richesse minérale capitale: la pierre bleue [1] qui peut être utilisée à l’état brut ou transformée en chaux hydraulique naturelle. Dès le 1^er siècle, les Romains vont utiliser abondamment cette pierre bleue et cette chaux [2] pour construire routes, ponts, digues, forts... dans tout le nord de la Gaule

De plus, le site est proche de la voie Cologne-Boulogne, une voie qui à hauteur de Bavai se divise en deux branches, l’une se dirigeant vers Arras, l’autre remontant vers ce qui doit devenir Tournai, ces deux routes se rejoignant à Thérouanne.

D’autre part, l’Escaut est un fleuve navigable [3] . L’Escaut et ses affluents permettent donc de convoyer loin la pierre bleue.

Aussi, dès la fin du règne d’Auguste et sous Tibère, les Romains construisent-ils des bretelles entre, d’une part, Tournai et Arras et, d’autre part, Tournai et Cambrai, mettant ainsi Tournai en communication directe avec la grande voie qui relie le Rhin à la mer. La convergence de ces voies apparaîtrait dans la forme triangulaire de l’actuelle grand-place de la ville.

Par la suite, à partir de Tournai d’autres routes vont se ramifier vers d’autres centres naissants.

L’association d’un intense réseau routier et du bassin de l’Escaut navigable sera un facteur important de l’expansion commerciale de la ville.

Pendant le Haut Empire, Tournai est une cité d’importance moyenne qui se développe sur les deux rives de l’Escaut et reste ouverte: la ville n’est pas ceinturée d’une enceinte fortifiée.

Au IV^ème siècle, face aux mouvements d’invasion, les anciennes divisions territoriales du nord de la Gaule sont remaniées et Tournai devient siège d’un gouvernement militaire et chef-lieu d’une circonscription territoriale (civitas) comprise entre l’Escaut et l’Yser, la mer et la Scarpe. De plus, la ville se resserre sur la rive gauche et une solide enceinte est construite.

A partir du milieu du IV^ème siècle, les Francs Saliens s’implantent progressivement dans le nord de la Gaule avec l’accord du gouvernement romain moyennant l’engagement de défendre les frontières septentrionales de l’empire contre les incursions d’autres barbares.

Au début du deuxième tiers du V^ème siècle, profitant de la faiblesse de l’autorité impériale, un groupe de Francs Saliens sous la conduite de Clodion occupe Tournai et en fait la capitale d’un petit royaume qui s’étend du cours supérieur de la Sambre au cours supérieur de la Lys, gardant néanmoins les structures administratives romaines [4] .

Tournai va garder ce statut de capitale jusqu’en 486, moment où Clovis, rejetant la tutelle de Rome contrairement à ses prédécesseurs qui étaient restés au service des Romains et établissant son autorité sur les autres chefs francs, va partir à la conquête de la Gaule, devenir rex Francorum (roi de tous les Francs) et établir sa capitale à Paris.

Bien que Tournai ait cessé dès lors d’être une capitale, certains successeurs de Clovis y trouveront refuge lors de périodes d e crise. Ce sera le cas en 575 de Chilpéric 1^er, de sa femme et de ses fils.

[1] L’extraction de la pierre bleue se poursuit encore actuellement aux environs de Tournai.

[2] On a retrouvé un ancien four à chaux du 1^er siècle après J.-C. dans les jardins de l’Evêché de Tournai.

[3] Les fleuves navigables ont été longtemps le moyen de transport privilégié des marchandises à cause du manque de routes sûres. On a retrouvé à Pommeroeul une barque à fond plat. Cette barque est conservée au Centre Gallo-Romain d’Ath.

[4] En 1653 on a retrouvé la Tombe de Childéric près de l’église Saint-Brice à Tournai. Childéric était à la fois un roi franc (de 457 à 481 ou 482) et un officier de l’armée romaine. Les pièces de son mobilier funéraire témoignent de sa richesse.